PROLOGUE
Mardi 28 décembre 2004, 16h30
Mamoune, invitée à passer les quelques jours de Noël à Armentières, avait été heureuse de pouvoir se retrouver en famille. Les moments passés en compagnie de ses neveux et nièces ainsi que la présence des frères et sœurs de Fabrice, qu’elle ne connaissait pas encore, lui avaient procuré un véritable plaisir et apporté une généreuse bouffée de jeunesse. Elle s’était accordée la satisfaction de puiser dans ses souvenirs et de faire partager les joies que lui avait donné Camille, et ses lointains cousins, alors âgés d’une huitaine d’années, quand il venaient passer les vacances à la ferme.
Sous l’autorité de Mamoune, Camille, enceinte, s’était reposée les dimanche et lundi, jours de fermeture de l’agence de voyages. Après le départ de tous les invités, la joie et la bonne humeur continuaient de régner sur toute la maisonnée.
Ce matin Camille, souhaitant se remettre au travail pour terminer et ranger des documents en vue de sa prochaine absence, s’était très vite fatiguée. La journée devenait très éprouvante pour la jeune femme.
Installé sur Armentières depuis maintenant une dizaine de mois, l’établissement, créé par Camille, commençait à devenir intéressant. De nombreux clients potentiels entraient dans l’agence de voyages, consultaient ses destinations, ses tarifs. Pour la période de fin d’année, beaucoup de particuliers envisageaient de partir passer les fêtes de la Saint Sylvestre hors d’Armentières. Pour de nombreux futurs voyageurs, la destination privilégiée était les Alpes de Haute-Provence. Ceux qui ne connaissaient pas les plaisirs de la neige et du ski souhaitaient découvrir ce divertissement sportif.
Camille, forte de l’expérience acquise sous la direction de son patron, monsieur Kessmann, qui s’occupait de l’agence de Lille, avait déniché quelques bonnes adresses.
Sa grossesse arrivait à son terme, c’était une question de jours, voire d’heures. Son dos la faisait énormément souffrir et pour elle, monter à l’étage devenait une vraie torture. Camille se leva de son bureau, exténuée.
— Sonia, je n’en peux plus, je vais aller dans la véranda pour m’installer dans ma coquille et reposer mon dos. Je te laisse terminer la journée et le soin de fermer l’agence. Cela ne te dérange pas ?
Sonia, comme si elle n’attendait que cette proposition, se leva d’un bond.
— Mais pas du tout Camille. Tu fais enfin preuve d’un peu de bon sens, je commençais à désespérer. Tu aurais dû t’arrêter depuis au moins une semaine. Ce que tu fais n’est pas très raisonnable. Attends, je vais t’aider.
— Non laisse, ça va aller. Reste ici et termine d’enregistrer les dernières réservations pour le Val Morel. Je peux me débrouiller toute seule Sonia, ne t’inquiète surtout pas.
Son amie, que Camille avait rencontrée dans des circonstances plutôt inhabituelles, connaissant parfaitement son caractère un peu obstiné, évita d’insister. Elle devinait que cela ne ferait que renforcer sa volonté d’y arriver seule. Camille était quelque peu têtue.
— Très bien, mais je veux que tu m’appelles si tu as besoin de la moindre des choses. Et puis je passerai te tenir compagnie en attendant l’arrivée de Fabrice. Je ne peux pas te laisser seule.
Camille se redressa, et toute à son attention de se tenir debout, ne lui répondit pas.
— Camille, réitéra Sonia, tu as entendu ? Tu m’appelles. D’accord ?
— Oui. Promis, répondit Camille en esquissant un petit sourire réprimé par la souffrance, je t’appelle.
Doucement, à petits pas, sous le regard réprobateur de Sonia, elle se dirigea vers la véranda où avait été installée la coquille en osier dont elle ne s’était jamais séparée. Arrivée près de sa balancelle, Camille s’y installa avec beaucoup de difficulté, puis, calée entres ses coussins moelleux, laissa ses pensées vagabonder.
Elle revécut le drame subi il y avait maintenant trois ans, songea à Christine, son amie d’enfance perdue de vue depuis plusieurs années et rencontrée tout à fait par hasard au musée du jouet de Wambrechies. Mais était-ce vraiment un hasard ? Pour Camille, le hasard n’existait pas. Christine l’avait plus qu’aidée dans cette période tourmentée, elle avait sauvé son fils et son époux.
Sa pensée survola le souvenir de son frère, Barthélémy, et sa réflexion revint à l’annonce faite par monsieur Kessmann en mars de cette année, la désignant comme son associée, et, heureuse, à la soirée sensuelle passée entre les bras de Fabrice, peu de temps avant l’inauguration de l’agence. Cela avait été un moment particulièrement extraordinaire, et elle portait maintenant le fruit de cette soirée d’amour intense.
Le souvenir de Mamoune, sa tante de Belgique qu’elle adulait, parvint à la faire sourire. Elle adorait sa tante de Poperinge, épouse de son oncle trop tôt disparu, qui l’avait également aidée et accueillie, comme Christine, à cette époque difficile.
Sa préoccupation se porta vers son fils Mathis, son petit ange, et vers son étrange aptitude dont elle ne parvenait pas à déterminer si cela était un bienfait ou bien une calamité. L’inquiétude commençait peu à peu à s’emparer d’elle.
Camille eut un brusque vertige. Une sensation bizarre s’empara de son ventre et monta jusqu’à envahir sa poitrine. Elle s’angoissa, et paniqua complètement quand un bourdonnement croissant, soudain, lui emplit les oreilles. Ses yeux se fermèrent malgré elle. Camille défaillit. Une désagréable sensation de chaleur humide descendit le long de ses jambes. Elle perdait les eaux.
Elle tenta de faire un mouvement pour se lever de son siège, mais n’y parvint pas. Voulant appeler Sonia, ses mots ne franchirent pas ses lèvres. Toutes ses pensées allèrent alors vers son fils Mathis. Mais que deviendra-t-il si je ne suis plus là ? Esquissant un geste de la main, elle se sentit chavirer dans une semi-conscience. Ses muscles la lâchèrent brutalement et Camille bascula doucement sur elle-même pendant que son âme, inexorablement, s’enfonçait dans les profondeurs inextricables de son esprit.
C’est dans cette attitude de petite mort que Sonia, quelques minutes plus tard, découvrit son amie.
Comme les tomes précédents, on se retrouve rapidement happé par l’histoire très prenante d’Aurore et de sa famille. L’écriture est fluide et nous embarque intelligemment entre les différentes situations.
Merci pour le clin d’œil très agréable, Quelque chose me dit que l’on a pas fini d’entendre parler d’Aurore et j’ai hâte de lire ça !