Je me suis un jour demandé pourquoi les auvergnats, qui vivent dans une région superbe, ont eu envie de monter chez les chtis – la réponse m’est venue d’un passionné de généalogie qui avait lui aussi des ancêtres venus d’auvergne et qui j’espère ne m’en voudra pas de vous soumettre sa recherche.
Chantal Delescluse
Quelles pouvaient être les motivations d’une migration de 600 kilomètres vers le nord de la France apparemment sans retour au pays ?
Cf: bulletin N°28 de l’AGP
Remerciements à Mmes Desmaret, Parbelle et Leboeuf, et à Monsieur Leroy
Le qualificatif de « chaudronnier », très fréquemment relevé, est sans doute insuffisant pour donner une idée de la spécialité de tous ces jeunes gens auvergnats arrivés en Artois et en Flandres au XVIIIème siècle
- Les premiers chaudronniers auvergnats arrivent vers 1680, au moment de la construction en Artois et en Flandres de plusieurs citadelles (Arras, Hesdin, Lille…). Ces premiers arrivants s’installent dans les places fortes et y font souche. Toutefois la suggestion d’un rapport professionnel entre tous ces chaudronniers et les villes fortifiées de l’Artois reste entière: il faudrait pouvoir l’étayer en précisant si possible l’activité réelle de ces derniers sur place.
- Puis vers 1730 commence une nouvelle et importante vague d’immigration auvergnate dans le Nord de la France. Ce mouvement migratoire, beaucoup plus important que celui des années 1680-1690 conduit cette fois ces jeunes auvergnats à peupler non plus des villes fortes, mais des petits villages, situés toutefois à côté de gros bourgs !
- On peut noter de la part de ces jeunes chaudronniers, tous pratiquement célibataires, une réelle volonté de rester unis sur un village donné. Des très petits villages artésiens voient arriver plusieurs auvergnats chaudronniers (parfois une dizaine) comme Billy-Berclau, Marconne, Anvin, Warluzel……
- Toutefois, tous ces jeunes chaudronniers auvergnats s’allient à des jeunes filles des familles locales, pour fonder une importante descendance vers 1730 1770. Les derniers chaudronniers arrivés vers 1770 quant à eux épousent très souvent les filles des auvergnats qui les ont précédés.
- Le point de départ de ces migrants auvergnats se concentre au maximum autour des bourgs de Mauriac et Saint-Flour (actuellement dans le département du Cantal). Cela suppose une entente locale, au moins chez la génération née au début du XVIIIème siècle, pour s’aventurer en Artois.
Reste à savoir ce qui a motivé cette migration auvergnate: je me permettrai d’avancer pour ma part deux objectifs
- 1/ l’objectif professionnel: Au milieu du XVIIIème siècle, l’activité lainière du centre de l’Artois décline et l’activité métallurgique des artisans auvergnats aussi… Des pionniers auvergnats étaient déjà installés en Artois depuis au moins un demi-siècle et ont certainement gardé le contact familial avec leur région. Ainsi trouve-t-on à Marconne, à Hesdin ou à Estaires des auberges « où logent quantité de chaudronniers qui roulent dans le pays » Il est logique de penser qu’ils aient averti leurs parentés respectives qu’il y avait en Haut-Artois du travail pour y relancer l’artisanat lainier languissant dans les petits villages, et en Bas-Artois et en Flandres du travail pour mieux développer l’industrialisation textile qui s’amorce déjà dans les gros bourgs ! Pour éviter la disparition ou le manque d’outillage assez spécifique et particulier (outils de tissage, entredents, cardes, pointes à déchiqueter la laine), pourquoi ne pas appeler et fixer quelques chaudronniers auvergnats, de ceux qui fabriquaient probablement déjà ce genre d’article ? Cela était aussi et certainement une soupape économique pour les jeunes gens auvergnats, en valorisant leurs expériences dans le travail des métaux précieux ou courants.
- 2/ l’objectif matrimonial: il faut retenir que l’arrivée de ces étrangers auvergnats en Artois et en Flandres Intérieure fut scellée par des mariages locaux: il s’agissait en effet de jeunes autour de la trentaine, célibataires, et qui le seraient peut-être restés dans leur pays.
Source: Bulletin de l’AGP N°28 de décembre 1990